Comment les œuvres horrifiques peuvent bonifier notre vision du marketing
Petit mal-aimé culturel, le genre horrifique exploite des sujets et émotions jugés négatifs dans le monde brillant de vernis du marketing : peur, violence, dégoût, colère ou dépression sur fond d’images choquantes, de monstres horribles et de nombreux litres de faux sang.
Malgré sa mauvaise réputation, l’horreur attire un public étonnamment large et fidèle qui consomme ce type de contenu avec avidité.
Quels sont les secrets de ce mouton noir pour tenir une audience captivée ?
De grandes aptitudes d’écriture, un storytelling raffiné et de nombreux autres petits bijoux issus d’une forte compréhension de la psychologie humaine dont on peut s’inspirer pour un marketing plus efficace.
1. L’atmosphère est la clé
Une atmosphère bien écrite peut fidéliser une clientèle de façon spectaculaire.
Silent Hill en est un exemple stupéfiant : née le 31 janvier 1999 avec son premier jeu sur PlayStation, la franchise horrifique est devenue célèbre pour ses thèmes centrés autour de l’humain et ses créatures à forte tendance symbolique, mais surtout pour son atmosphère de petite ville nord-américaine abandonnée et baignant dans un épais brouillard.
Cet état de désolation silencieuse et menaçante nappé d’un voile blanc, est devenu une icône dans le monde de l’horreur vidéoludique, au point d’être toujours associé à la franchise qui comptent de nombreux jeux et films. Plus qu’un décor, il s’agit d’un état d’esprit qui donne une impression de lieu avec toutes les émotions qui peuvent y être rattachées : incertitude, appréhension, malaise, mais aussi une étrange familiarité. Depuis de nombreuses années, dès qu’une autre œuvre horrifique utilise cette atmosphère de petite ville plongée dans le brouillard, elle est aussitôt comparée à Silent Hill.
Le succès de cette ambiance est intéressant et donne envie de s’en inspirer : un remake du deuxième opus a été annoncé le 19 octobre 2022, malgré les 20 ans qui sont passés après sa sortie et de nombreuses mésaventures qui auraient pu sonner le glas de la franchise.
Dans un cas de marketing moins glauque, le principe est de créer une atmosphère qui représente bien la marque au point où elle créera un état d’esprit unique chez le spectateur. Petit défi d’écriture qui peut s’avérer payant, cette démarche offre une voie royale vers le cœur des consommateurs.
2. Tous les sens à l’affût
La création d’une atmosphère ne repose pas que sur le visuel : afin d’être vraiment efficace, un maximum de sens doit être impliqué.
Stephen King, grand maître incontesté de l’horreur et spécialiste de l’écriture descriptive, se sert beaucoup de cette notion à travers ses romans pour susciter
des émotions fortes chez son lecteur.
EXEMPLE
‘’Il se reprit, lâcha la poignée et se retourna avec précaution. Ses articulations craquaient, il avait des jambes de plomb. Lentement, il revint sur ses pas jusqu’à la porte de la salle de bains. Le rideau de douche, qu’il avait repoussé pour examiner la baignoire, était de nouveau tiré. C’étaient les anneaux qui en glissant sur la tringle d’acier avaient provoqué ce bruit métallique qui avait résonné à ses oreilles comme des ossements se tassant dans un caveau. Il regarda le rideau, bouche bée.
Quelque chose se dissimulait derrière, dans la baignoire. C’était une forme indistincte, aux contours flous, qu’il devinait à travers le plastique. Ça pouvait être n’importe quoi.’’
Dans cet extrait de The Shining, Stephen King nous met dans l’ambiance en utilisant trois de nos sens :
- La vue : Une partie de la description passe par les yeux, puisque la vue est le sens que nous utilisons le plus. Outre ce que le personnage voit, il y a également une mention sur ce qu’il ne voit presque pas, créant une tension et une crainte dû à l’incertitude quant à ce qui peut se trouver derrière le rideau.
- L’ouïe : Sens plus primitif que la vue, mais tout aussi important, l’ouïe nous permet de détecter des éléments qui échappent aux yeux. Souvent sujet à interprétation et demandant parfois la validation de la vue, le monde des sons est mystérieux et ajoute une autre dimension à une expérience sensorielle. Le meilleur exemple est le bruit des anneaux du rideau de douche, comparé à un son plus macabre.
- Le toucher : L’écrivain se concentre sur les sensations physiques de la peur pour créer une forme d’empathie chez le lecteur. Avec le toucher, on peut exprimer la douceur d’un tissu sur la peau, mais aussi la douleur d’une blessure ou la fatigue d’un muscle au travail. Il est aussi question de ce qu’on associe à un objet touché : par exemple, le contact métallique de la poignée de porte que le personnage relâche pour investiguer la baignoire et qui est un stimulus rassurant qui représente la sécurité d’une issue de secours.
Cette technique d’écriture est loin d’être ésotérique. Une étude de Ryan S. Elder et Aradhna Krishna, publiée par l’Université d’Oxford, révèle que nous attachons davantage d’attention à une publicité si plus d’un sens est impliqué. Ainsi, pour rendre une campagne marketing plus efficace, on peut choisir de faire comme Stephen King et développer sa campagne autour de l’aspect, mais aussi l’odeur, le goût, la texture ou même un son et les interprétations que nous pouvons faire de ces sensations.
3. Sympathie pour la victime et sentiment de familiarité
Comment une jeune femme d’à peine 100 LBS peut-elle être la seule survivante d’un massacre alors que le sportif arrogant s’est fait dévorer peu de temps après l’arrivée du monstre ?
La cabane dans les bois, film d’épouvante comportant un discours très critique sur l’industrie cinématographique du genre de l’horreur, apporte la réponse. L’écriture des personnages correspond à ce que nous approuvons et ce que nous désapprouvons en société. Dans le cas d’un film d’horreur, certains comportements (la séduction, les addictions, l’orgueil ou la vantardise) sont condamnés et des traits comme la modestie, l’innocence ou la bonne morale permet à un personnage de sauver sa vie. La survie du ‘’gentil’’ provoque un soulagement chez le spectateur, qui était honteusement ravi de voir les personnages qu’il n’aimait pas disparaître. Pour créer un grand choc émotionnel et graver un film dans les esprits, certains scénaristes iront jusqu’à outrepasser ce schéma et à tuer le ‘’gentil’’ personnage. On parlera alors de fin nihiliste.
Nous avons tendance à accorder notre sympathie et à souhaiter plus de succès aux gens qui nous ressemblent ou qui se rapprochent de notre conception de l’idéal et du bien. On peut donc se retrouver très attaché à un personnage ayant des points en communs avec nous ou au contraire le détester s’il s’écarte trop de nos valeurs.
En marketing, il est important que le produit ait le même effet que la jeune fille innocente échappant à la mort : ses caractéristiques doivent être une réflexion du consommateur (ou ce qu’il croit être bien) et éveiller la bienveillance. Plus le sentiment de reconnaissance sera présent, plus l’attachement sera fort.
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En dépit de leur mauvaise réputation et de leur aura ténébreuse, les artisans de l’horreur ont beaucoup à nous apprendre sur l’art de captiver une audience.
Donc, pour Halloween, n’hésitez pas à consommer un bon film effrayant ou un roman d’épouvante. Peut-être en apprendriez-vous plus sur l’humain et, pourquoi pas, sur vous-même ?
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